Résidence Instagram de Berirouche Feddal
Pour notre quatrième résidence Instagram , nous vous partageons le travail de Berirouche Feddal (Vrirouc nat uqassi, ⵠⵔⵉⵔⵓⵛ ⵏⴰⵝ ⵓⴽⴰⵙⵉ) artiste canadien d’origine nord-africaine, issue d’un héritage amazigh, basé à Montréal. Vous pourrez découvrir dès demain ses œuvres les plus récentes, ainsi que les thématiques et les réflexions qui guident sa pratique.Crédits: Berirouche Feddal, « Pourquoi crie-t-il à sa perte, » 2020. Huile sur toile, sérigraphie, fibre imprimée, 365.8 × 315 × 5.1 cm.
Restez à l’affût !
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Jour 1 – Lundi 26 juillet 2021
Nous avons le plaisir de vous présenter Berirouche Feddal (Vrirouc nat uqassi, ⵠⵔⵉⵔⵓⵛ ⵏⴰⵝ ⵓⴽⴰⵙⵉ ), artiste canadien d’origine nord-africaine, issu d’un héritage amazigh et basé à Montréal. Berirouche se définit avant tout comme un artiste transdisciplinaire. Ses réflexions sur l’histoire et la culture se transposent également en sculpture, installation, peinture, vidéo, photographie, écriture, performance et à travers un large corpus de technique d’imprimerie.
« Bonjour à vous, j’ai décidé de commencer par vous présenter où j’ai grandi, ma ville et mon village dans l’actuelle Algérie. Je me sens nostalgique et triste ces temps-ci avec la fermeture des frontières et la crise sanitaire mondiale que nous vivons. Ma famille et moi-même voulons seulement rentrer au pays pour pleurer les morts et soutenir notre famille et toutes les familles dans le besoin émotionnel. Pour calmer cette blessure profonde, je vous envoie en direction de Bordj El Bahri, Boumerdès, Alger Centre, à la réserve du MAMA et Irdjen dans la Wilaya de Tizi-ouzou.
Ces photographies téléphoniques du quotidien représentent pour moi des images touchantes; des inspirations qui donnent parfois naissance à des compositions. »
– Berirouche
Jour 2 – Mardi 27 juillet 2021
« Aujourd’hui j’avais envie de parcourir avec vous mes inspirations et les artistes que j’admire. Pour commencer, un artiste qui a fait de nombreuses collaborations avec l’écrivain Kateb Yacine (1929-1989). Il s’agit de M’hamed Issiakhem (1928-1985) envers qui je porte une grande admiration. Il est l’un des fondateurs de la peinture moderne en Algérie. Ses sujets politiques sont captivants et douloureux.
Dès mon plus jeune âge, j’ai eu la chance de connaître un artiste aux messages puissants. Je fais référence à Matoub Lounes (1956-1998), un chanteur, musicien, auteur-compositeur-interprète et poète algérien d’héritage kabyle. Il a beaucoup influencé ma façon de concevoir l’écriture et l’activisme.
Pour finir, je me dois de vous parler de Baya, de son vrai nom Fatma Haddad (1931-1998). Une artiste algérienne qui, dans son adolescence, aura inspiré des peintres comme Picasso et Matisse. Je dois dire que ses œuvres aux couleurs brillantes sont époustouflantes et dégagent une sincérité qui me parle. »
– Berirouche
« Au cours des années, j’ai découvert des gens incroyables avec un potentiel immense. Je voulais partager avec vous quelques exemples d’artistes et d’agents culturels que j’apprécie, ce qui me pousse à réfléchir sur notre écosystème en tant que communauté artistique. Toutes ces personnes sont une source d’inspiration et d’émerveillement. Ces artistes, galeristes, agents culturels s’impliquent au quotidien et font preuve de grand courage. Ils forment une communauté que j’admire et qui sera marquée par leurs empreintes. »
– Berirouche
Jour 3 – Mercredi 28 juillet 2021
« Nouvelle aventure académique pour ma part, prévue en septembre 2021. Je me lance dans la technique du verre soufflé pour enfin donner vie à certains projets que j’avais en tête depuis quelques années. Cette aventure se tiendra à Espace Verre. Ayant toujours utilisé le tissu et le papier transparent ou encore le papier japonais pour représenter l’évanescence et la fragilité des souvenirs qui m’habitent, je voulais trouver un moyen de transposer cette fragilité culturelle avec cette matière qu’est le verre soufflé. Voici certaines inspirations pour accompagner mes nouveaux projets en tête: François Daireaux, Lorna Bauer et Mona Hatoum. »
– Berirouche
« En janvier 2021, grâce au @ConseildesartsdeMontreal, en collaboration avec l’organisme @artchmtl, j’ai eu la chance de faire une résidence à Artch d’une durée d’un mois. J’ai commencé à écrire mon premier recueil de poésie. C’est là que j’ai aussi eu l’occasion d’élaborer mon projet que je présenterai au Dorchester Square (Montréal). Aujourd’hui, je vous présente les images de cette résidence et mes inspirations, ainsi que certaines œuvres terminées. J’ai entrepris des petits dessins et des poèmes. Je vais agencer ces esquisses et ces textes pour créer un nouvel univers qui aboutira à la parution de mon premier livre. Vous pourrez vous procurer ce petit recueil dès la mi-septembre 2021. »
– Berirouche
« Exposition à venir chez @Maytensproject, en collaboration avec Preston Pavlis (@prestonpavlis). Durant quelques mois, Preston et moi avons discuté via Zoom pour trouver un sujet sur lequel nous pourrions collaborer. Ces rencontres nous ont amenées à des discussions sur la cigarette. Ce sujet nous est venu à l’esprit, car nous trouvions que c’était souvent un canal utilisé pour la discussion avec des étrangers ou qui parfois exprime aussi la solitude d’un personnage fumant. Pour ma part, la cigarette m’a fait penser aux cafés d’Alger mais également à l’absence des femmes dans ceux-ci. Durant nos conversations, nous trouvions très intéressant de parler de l’exotisme à travers les œuvres orientalistes et de revisiter à notre façon cet exotisme, en utilisant le prétexte de la cigarette. J’ai décidé d’imprimer en sérigraphie tous les personnages fumant l’amertume de la vie et ses histoires. »
– Berirouche
Jour 4 – Jeudi 29 juillet 2021
« En 2019, @elisabethperrault et moi avons fait une exposition au Maroc à La Conserverie @laconserveriedemarrakech. Située dans l’ancien quartier industriel de Marrakech, La Conserverie est une ancienne usine transformée en un centre culturel accueillant désormais des spectacles, des expositions et des installations. Pour cette exposition, certaines œuvres ont été créées à partir d’un traumatisme de jeunesse. En effet, j’ai été traumatisé par l’image du corps mort de Matoub Lounès durant son enterrement. Je me suis donc intéressé à la dernière image de personnes assassinées. Plus précisément, je voulais partir des dernières images de nos compatriotes kabyles assassinés de l’époque coloniale, partagées dans les journaux, les vidéos et les propagandes françaises. Vous avez de gauche à droite des portraits d’Aamirouche Aaït Hhamouda, Mmouloud Fferaoun et Lounès Matoub que j’ai réalisés. J’ai voulu reproduire un rituel funéraire pour ces personnalités. »
– Berirouche
« Je revisite en ce moment mon travail de 2017-2018. Je regarde attentivement mon engagement pour mieux comprendre mes émotions de l’époque. Je revisite ce parcours, car il est important, presque naïf, mais j’aime exploiter cette idée du retour sur mon travail créatif. Je veux redonner vie à ces œuvres et leur donner une autre forme. Pour le moment, je retourne vers ces œuvres incomplètes, peut-être, délaissées par le temps. Je veux les intégrer dans ma production actuelle et aussi comprendre pourquoi je les ai ainsi mises de côté. Je me retrouve ainsi souvent à revisiter mon travail et lui donner une seconde vie. »
– Berirouche
Jour 5 – vendredi 30 juillet 2021
« J’explore des thèmes liés à mon héritage amazigh, communs aux peuples agraires, aux Berbères et aux Premières Nations. Ces sujets incluent: la culture populaire africaine, la violence historique, l’orientalisme, le symbolisme religieux, le fétichisme, les études décoloniales, ma propre migration et d’autres souvenirs personnels. Les récits intersectionnels de mon travail et mon approche transdisciplinaire impliquent souvent des recherches dans les domaines de l’histoire, de la politique, de la science, de la technologie, ainsi que la collaboration avec d’autres artistes. Je me définis avant tout comme un artiste transdisciplinaire, mes réflexions sur l’histoire et la culture se transposent en sculpture, installation, peinture, vidéo, photographie, écriture, performance et à travers un large corpus de technique d’imprimerie.
Voici quelques exemples. »
– Berirouche
« En ce moment, je travaille sur une toile en particulier sur laquelle je réfléchis depuis 5 ans. Cette idée remonte à 2016, durant mon voyage à Alger-Centre (Algérie) pour redécouvrir ce lieu, mais avec mon regard adulte.
Arrivé à la place de la commune, j’ai été subjugué par la sculpture de Marian Konieczny (1930-2017). Cette «statue équestre de l’Émir-Abdelkader» m’a fait longuement réfléchir à sa légitimité. À son inauguration le 5 juillet 1968, le président de l’époque, Houari Boumédiène, a rebaptisé la place Bugeaud (un maréchal français connu pour son rôle durant la période de la colonisation) pour la place de l’Émir-Abdelkader (figure emblématique de la réforme de l’Algérie).
Plus tard, j’ai découvert une autre statue équestre de l’époque coloniale. L’œuvre de l’Italien Carlo Marochetti (1805-1867), «Statue équestre du duc d’Orléanss,» (présentant Ferdinand-Philippe d’Orléans, l’un des acteurs clefs de la conquête d’Algérie), inaugurée le 28 oct. 1845 à l’ancienne « place du gouvernement » (la toute première place à Alger aménagée par l’armée française). »
– Berirouche
« J’ai voulu contester la validité de ces deux sculptures équestre avec une nouvelle création. J’ai donc juxtaposé ces deux personnages pour n’en faire qu’une seule composition, sous forme d’une peinture à l’huile. Éventuellement, j’aimerais la reproduire sous forme de sculpture afin de la rendre monumentale et intangible.
Derrière ces sculptures publiques se cache l’histoire secrète et profonde de l’Algérie. »
– Berirouche
« Merci infiniment à vous tous pour votre soutien durant ma résidence. Je tiens à remercier particulièrement L’Imagier pour leur travail exceptionnel et pour nos conversations agréables et sincères.
Voici quelques œuvres représentant mon parcours d’immigration, aux côtés d’archives personnelles. Je remercie aussi mes parents pour croire en moi. Lors de mes premiers pas dans le monde de l’art, ils se tenaient sur la réserve, mais à présent ils m’encouragent à 110%. Mon père veut même collaborer avec moi pour des projets futurs.
Enfin, je voudrais souhaiter à toutes les communautés encore directement touchées par cette pandémie beaucoup de courage et de force. N’hésitez pas à faire des dons aux hôpitaux qui en ont besoin à travers le monde pour fournir de l’oxygène aux malades qui souffrent. J’envoie toutes mes sympathies aux familles ayant perdu un proche durant cette pandémie. J’ai une pensée spéciale pour ma tante Zahoua, pour son courage, malgré la mort de son mari médecin. Elle continue à braver toutes ces émotions dévastatrices. »
– Berirouche