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Résidence Instagram de Juliette Gagnon-Lachapelle

Juliette, Portrait, acrylique sur toile, 2021.
Juliette dans son studio, Gatineau, mars 2021.

 

Vous avez été nombreux à suivre notre projet de résidences Instagram « Human Touch », où des artistes émergents sont invités à ponctuer notre  fil d’actualité et nos stories de leur propre production artistique et de ce qui inspire leur créativité.

Pour notre second « takeover », nous vous invitons à découvrir la pratique artistique de l’artiste franco-ontarienne Juliette Gagnon-Lachapelle, native de la région; son monde intérieur et celui de ses personnages. On sait que vous êtes curieux, alors restez aux aguets car sa résidence commence demain !

Restez à l’affût !

Suivez la résidence de Juliette sur Instagram

Jour 1 : 29 mars 2021

Juliette est une grande curieuse. Elle observe tant l’effet du monde extérieur sur elle-même que la nature et la richesse des rapports humains. Depuis toujours, elle analyse le corps humain, et plus particulièrement celui de la femme; en quoi il exprime ce que les mots ne disent pas ou même ne peuvent dire.

Dans sa pratique, Juliette s’intéresse à ce que les corps, les visages et les yeux ont à offrir à celui qui sait les observer, en se concentrant sur l’indicible, nos émotions et les traces du vécu. La question du “regard” est au centre de sa démarche artistique; le regard de l’autre (peint ou dessiné) suggère une liberté d’interprétation, faite de non-dit de la part de l’observateur et qui selon son propre vécu verra ce que lui seul peut y voir.

« En regardant mes illustrations faites durant ma vingtaine, je remarque une réelle colère et une incompréhension envers les relations humaines. Mes dessins devenaient un crachat impatient de mots que je n’arrivais pas à articuler.

Il y a deux ans, après une année de réflexion et de transition, je me suis remise à peindre en grand format. C’est d’abord parti d’un besoin de créer debout et en mouvement; de ne plus être recroquevillée sur la table à dessin. J’avais besoin de me tourner vers l’extérieur.

Sans le savoir, je commençais aussi à apprendre la valeur de la patience et de l’engagement. Il y a un an j’ai commencé à recevoir des commandes de portraits personnalisés et le monde s’est ouvert à moi. À travers les personnes que je peins, je trouve des réponses aux questionnements qui me hantaient depuis longtemps. La création de portraits est un défi que j’apprends à apprécier en lâchant prise. Chaque portrait est une conversation à trois; le modèle, moi-même et l’univers. »

Juliette Gagnon-Lachapelle, illustration, encre, crayons et aquarelle sur papier, 2013-2014
Juliette Gagnon-Lachapelle, illustration, encre, crayons et aquarelle sur papier, 2013-2014
Juliette Gagnon-Lachapelle, illustration, encre, crayons et aquarelle sur papier, 2013-2014

« Quand je dessine quelqu’un, je vois la couleur de sa peau et de ses yeux; je vois la texture et la longueur de ses cheveux, je vois ses cicatrices, ses taches de rousseur, ses grains de beauté, les traces de sourire ou parfois d’amertume. Quand je regarde quelqu’un, je sens ses peines et ses traumatismes; je sens son espoir, sa confiance, sa chaleur et son insécurité. Je regarde les rides, les lignes de la peau et les traits du visage et je sens toujours, sans exception, un enfant caché dans la peau d’un adulte qui ne demande qu’à être vu, compris et aimé. »

Juliette Gagnon-Lachapelle, commande de portrait d’une enfant par sa mère, acrylique sur toile, 2021.

Jour 2 : 30 mars 2021

Juliette Gagnon-Lachapelle, couverture de l’album “From Time” pour @izchalibaby, janvier 2021

 

« La musique est une partie excessivement importante de mon univers créatif. J’aime tout particulièrement le rock psychédélique du début des années 70 et la plupart de mes toiles ont été créées en écoutant « TB Sheets » de Van Morrison ou « Sweet Thang » de Shuggie Otis. La musique est comme ma drogue pour peindre. J’ai véritablement l’impression d’être sous l’effet de quelque chose de fort et j’aime m’imaginer que dans une autre vie j’étais probablement à Woodstock. Les couvertures d’album font partie des créations que je préfère. C’est un univers en soi et je peux passer des heures à en chercher sur internet. J’en ai déjà créé quelques-unes pour des amis, dont « From time », de Izchalybaby, le plus récent que vous pouvez voir ici. Faire une couverture d’album est une immersion complète dans le monde d’un autre artiste et c’est une expérience que j’adore. J’espère avoir l’opportunité d’en faire de plus en plus. »

« Je ne pourrais pas vous présenter mon processus créatif sans parler de mes carnets de notes. Écrire reste pour moi l’action la plus libre qui ponctue mon quotidien. Les dessins qui accompagnent mes mots sont souvent le début d’une idée. Pour me lancer, je dessine souvent des maisons, des plantes ou des choses qui n’existent pas. C’est mon exutoire personnel. J’aime les pages abîmées qui nous racontent une histoire et les feuilles éparpillées au sol.

Ayant déménagé tellement souvent, mes carnets sont aussi un repère chronologique des endroits visités ou habités. Je les sors au moins une fois par an pour relire quelques pages au hasard. Je me remémore les émotions qui m’habitent en ce temps-là et aussi pour voir quels vœux se sont réalisés. Mes carnets de notes sont un lieu intime et sacré, c’est probablement ce qui se rapproche le plus d’une matérialisation de mon univers intérieur. »

Crédits : Juliette Gagnon-Lachapelle, carnets de notes, mars 2021.

« Une chose que seuls mes proches savent sur moi c’est que j’ai une fascination quasi obsessive pour les cartes postales (et n’importe quelle image imprimée sur un format carte postale). Je suis attirée par le format. J’aimerais pouvoir imprimer toutes les images du monde en 5×7. Le moment que je préfère lors de mes déménagements est lorsque je sors mes vieilles (et moins vieilles) cartes et décide lesquelles m’inspirent le plus et m’accompagneront pour un autre bout de chemin. J’en ai toujours 2 ou 3 proches de moi lorsque je crée. Chaque fois que je dessine, peins ou prends une photo, je l’imagine en 5×7. »

Juliette Gagnon-Lachapelle, cartes postales et mon studio, mars 2021.

Jour 3 : 31 mars 2021

Fernande Forest, céramique de bord de mer, Espagne, 1985.

« L’une de mes inspirations est @fernandeforest une artiste visuelle dont le travail tisse un lien direct entre la nature végétale et la nature humaine. J’ai eu la chance de passer la majorité de mon enfance à ses côtés puisqu’elle est une grande amie de ma mère. Elle a été une inspiration à plusieurs niveaux. C’est surtout sa liberté face à la création qui m’a impressionnée. Je me souviens de sa murale en verre salé marin et de nos innombrables marches en famille où nous passions notre temps à choisir des roches sur le bord du fleuve et à leur inventer une personnalité. Visiter Fernande c’est entrer dans un univers. C’est toute sa personne qui fait “art”: son accent gaspésien, ses mouvements de danse inattendues, et toutes les fois où on la trouve dans son jardin, perdue dans ses pensées, à installer des miroirs ou des guirlandes. Elle reste à ce jour la personne avec qui j’aime le plus discuter des liens entre la nature, l’être humain et la vie. Elle représente l’esprit de curiosité. »

NITI MARCELLE MUETH
« J’ai découvert @nitimueth il y a peu et je suis immédiatement tombée amoureuse de son univers. Dans ses dessins, elle ne passe pas par quatre chemins pour illustrer les réalités de notre société avec grande vulnérabilité. Son travail ne se résume pas qu’à l’illustration. Elle crée aussi des chandails et des sacs, dont un qui m’accompagne quotidiennement. J’aime sa franchise qui fait preuve d’une grande sensibilité … tout comme elle, je crois.

Chacun de ses dessins porte un message qui me parle et me touche de manière subtile. Son art m’inspire à être moi-même et à être à l’écoute de ma vulnérabilité. Elle est pour moi un rappel quotidien que l’on façonne notre art comme l’on construit notre vie; que d’embrasser profondément qui nous sommes, rend la vie beaucoup plus douce et intéressante. »

Niti Marcelle Mueth, illustration digitale, 2021.
Kehinde Wiley, « Tahiti », huile sur toile, 2019.

KEHINDE WILEY
« @kehindewiley est ma plus récente découverte artistique. Son niveau de technique de portrait m’ébahit ! Il me force à travailler toujours plus fort pour comprendre et pousser les limites de l’art du portrait. Les couleurs explosives de ses peintures et les détails de ce qui me fait penser à du papier peint sont si satisfaisants visuellement. Ses créations me poussent à être plus attentive au dialogue qui existe entre l’univers de la personne peinte et le mien. Comment transposer l’âme de quelqu’un sur une toile sans pour autant y perdre mon propre point de vue ? »

Jour 4 : 1 avril 2021

« Il y a un an, je travaillais sur le lancement de ma boutique @pourjule à temps plein. Ma grande amie Marilyne et moi avons décidé d’emménager ensemble le temps du confinement. @marilyneauclair peint des toiles abstraites et psychédéliques, influencées par son travail d’astrologue. La notion de temporalité est complètement différente pour un entrepreneur et un artiste et ce n’est pas tout le monde qui peut en accepter les sacrifices et les bienfaits. Habiter ensemble nous a permis de repenser la question du travail et des loisirs; tout ça, accentué par la présence de sa fille Malena. Il n’y a rien de plus libre que l’imagination d’un enfant; une chose trop souvent oubliée par notre société.

Habiter avec elles m’a confirmé que la vie que je désire existe, puisqu’on l’a créée à trois, conventionnelle ou pas; comme dit Malena : “on est la famille du cœur”. Ces huit mois passés continuent d’influencer mon travail d’artiste, et lié à la vie que je désire; une vie que je façonne avec cœur et sueur quotidiennement. »

Vue de notre appartement
Marilyne, Malena and Juliette, été

« J’aime beaucoup les idées et la poésie de @zarahxbarberpoet. Voici un extrait d’un de ses textes qui illustre exactement ce que ce projet de portraiture représente pour moi : « Imaginez un monde rempli d’êtres qui s’aiment eux-mêmes, vraiment, de telle manière qu’ils n’ont l’intention que de partager cet amour avec les autres. Imaginez que nous nous considérions les uns les autres comme une grande famille; malgré nos origines, malgré notre passé. Considérez-moi naïve, mais je vis pour cette réalité. Et je promets de vivre cette vérité aussi longtemps que j’aurai le privilège d’être ici. »

Juliette Gagnon-Lachapelle, portrait de Zarah, crayon de couleur sur papier, March 2021.

« Je porte une importance sacrée à mon intuition, autant dans ma pratique artistique que dans ma vie. Cette toile, par exemple, devant laquelle je crée chaque jour et qui est aussi mon “logo” agit comme un rappel journalier de toujours me fier à mon intuition. Derrière la majorité de mes peintures se cachent une ou deux autres œuvres dont je n’étais pas satisfaite; comme celle-ci qui était alors l’esquisse d’un portrait. Lors d’une soirée difficile, pleine de doutes quant à mon talent, j’ai littéralement vidé deux gros pots de peinture sur la toile en sachant bien au fond de moi que je n’allais pas y faire un portrait. J’ai médité, pleuré, dansé devant cette toile jusqu’à avoir la soudaine envie d’y peindre juste un œil. Je n’avais jamais fait ça avant. C’est un de mes plus beaux moments de création intuitive et de lâcher-prise. »

Juliette Gagnon-Lachapelle, portrait fictif, acrylique sur toile, 2019.

Jour 5 : 2 avril 2021

« Je ne vous cacherai pas que cette semaine fut pour moi un grand défi! Malgré ma force pour la portraiture, j’ai voulu cette fois-ci expérimenter avec la technique des crayons de couleur. Ma main et mes yeux ont fini par trouver leurs repères. Après une dizaine de portraits faits pour la résidence, je me suis rendu compte que je n’étais pas du tout perfectionniste en termes de technique. Mon obsession est de trouver les traits fins et subtils qui font ressortir l’essence de la personne. Je crois que c’est ça qui m’interpelle le plus dans la création de portrait; comme une énigme à résoudre. »

Crédits: Juliette Gagnon-Lachapelle, autoportrait, crayons sur papier, 26 mars 2021.

« Le cercle est un symbole présent dans toutes les cultures depuis toujours. Il représente la vie à l’échelle microscopique (atome) et macroscopique avec les planètes, le cycle de la lune, le cycle des menstruations, les cycles du monde naturel. La circularité symbolise l’équilibre, la circulation de l’énergie, l’union, un échange équitable entre humains, ou chacun peut trouver sa place.

Tout est lié, chaque respiration est partagée avec quelqu’un d’autre, chaque personne porte une énergie en elle qu’elle transmet à ceux qui croisent son chemin et vice versa. Chaque pensée envers toi-même a un impact sur les autres, chaque pensée envers les autres a un impact sur toi. Le cercle est sans fin, tout comme ses significations. »

Préinstallation des portraits de Juliette à L’Imagier, mars 2021.

« Quand j’étais enfant, il m’arrivait souvent de croiser des personnes en étant certaine qu’ils sortaient tout droit de mes dessins. Maintenant, je crois plutôt en l’existence d’un espace invisible où les énergies se rencontrent; entre moi et celles/ceux dont je fais le portrait.

Durant cette résidence, c’est moi qui me suis rencontré. J’ai passé la semaine à revisiter ma vie et à la partager ouvertement. Ceux qui me connaissent savent aussi que je suis plutôt de nature réservée. J’ai dû faire confiance à l’équipe, et me faire confiance à moi aussi. J’ai fini par accepter toute cette attention pour finalement me laisser aller. Ma plus grande révélation fut intérieure et non au niveau de la technique de dessin. C’est peu de dire que ce fut extrêmement nourrissant ET demandant. Je tiens sincèrement à remercier Namkha et Amélie de m’avoir accompagné dans leur grande générosité tout au long de ce processus créatif durant la résidence. »

Portrait de l’artiste dans son studio, mars 2021.
Juliette à sa table à dessin, 1991.

« Jardin de la vie, » vinyle, 2021.

Cette œuvre a été réalisée à la suite à la Résidence Instagram de l’artiste qui s’est tenue du 29 mars au 2 avril 2021. Présentée sur les vitres extérieures de L’Imagier, cette œuvre de nature éphémère est exposée aux dommages du temps et des éléments naturels, la rendant volontairement fragile. 

À propos de l’oeuvre

La femme au centre représente la naissance, la racine de toutes choses, la passeuse d’histoire, le ventre de la femme qui porte la vie et nourrit nos rêves. Autour d’elle évoluent  sa famille, ses ancêtres, les liens qu’elle a tissés avec les autres, la religion dans laquelle elle est née et les croyances qu’elle s’est construites basées sur ses propres expériences de vie. Ce sont toutes ces choses qui la façonnent et font ce qu’elle est aujourd’hui.

Tout comme les arbres ou les fleurs, nous portons différentes couches qui naissent à différents moments de la vie, en co-création avec les éléments qui nous entourent.

Nous parlons souvent du concept de la création de toutes choses, mais rien ne naît seul. Nous pensons que les arbres les plus forts sont ceux dont les racines sont les plus profondes alors qu’en fait ce sont ceux dont les racines courent en surface, les reliant à d’autres arbres, et les rendent ainsi si solides. Quand je regarde la rivière, je sens le sang qui coule dans mes veines. Quand mes pieds touchent le sol, je me souviens de l’écosystème qui vit en dessous. Quand je sens le vent sur mon visage, je prends conscience de ma respiration et du mouvement qu’elle crée. Quand je suis hypnotisée par le feu, je m’incline face au caractère sacré de toutes choses et de tous les êtres.

Notre monde intérieur est en constante communication avec notre monde physique. L’un ne peut pas vivre sans l’autre.

Tout est connecté dans nos vies, tout comme nous sommes connectés les uns aux autres.

Le point de rupture est inexistant.

Installation de l’oeuvre « Jardin de la vie »

Entrevue de Juliette Gagnon-Lachapelle

Les averses torrentielles et les éléments naturels des derniers mois sont finalement venus à bout de l’œuvre éphémère de Juliette Gagnon-Lachapelle. Aujourd’hui, nous avons donc retiré les fragments restant du « Jardin de la vie ».

Nous avons eu le plaisir d’accueillir Juliette à l’occasion de notre deuxième résidence Instagram, en mars dernier. Nous vous invitons à regarder une entrevue entre l’artiste et Leonore-Namkha, directrice de L’Imagier.

Cette discussion vous est offerte en français, la langue choisie par l’artiste, et sous-titrée en anglais.

Pour découvrir les autres Résidence Instagram.

Entente de développement culturel de la Ville de Gatineau et du ministère de la culture et des communications du Québec

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