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Ask a Curator — Amin Alsaden

Amin Alsaden devant une oeuvre de Caroline Monnet.
Photographie de Sahar Te.

Ask a Curator (rebaptisé @askamuseum) est un événement d’une journée au cours duquel vous pouvez poser toutes vos questions à un commissaire. Il est marqué chaque année vers la mi-septembre, par les musées et galeries du monde entier, permettant au public de se familiariser avec les travailleurs culturels qui se trouvent au cœur du processus de création et de programmation des expositions. En 2022, nous avons adressé quelques questions au commissaire indépendant Amin Alsaden, qui travaille avec nous sur la prochaine exposition de Caroline Monnet à L’Imagier. N’oubliez pas de nous suivre sur les médias sociaux et d’interagir avec ces questions et réponses !

Amin Alsaden est un conservateur, un éducateur et un spécialiste de l’art et de l’architecture, dont le travail se concentre sur la solidarité et les échanges transnationaux, par-delà les frontières culturelles. Engagé à promouvoir la justice sociale par le biais des arts, la pratique muséale d’Alsaden contribue à la diffusion de récits plus diversifiés, inclusifs et globaux, en décentrant et en élargissant les canons existants, et en remettant en question les connaissances et les structures de pouvoir hégémoniques. Il s’intéresse particulièrement à la façon dont les artistes et les architectes interrogent l’agence collective dans le domaine public et la critique institutionnelle, tout en imaginant de nouvelles réponses visuelles et spatiales aux expériences d’aliénation et d’appartenance. Les recherches d’Alsaden explorent l’histoire et la théorie de l’art et de l’architecture modernes et contemporains dans le monde, avec une expertise spécifique dans les mondes arabe et musulman.

« Anahita Norouzi : Planting Displacement », 14 septembre – 31 décembre 2022. Vue de l’installation : Galerie d’art de Guelph, Guelph, ON. Photo : Amin Alsaden.

Les gens comprennent-ils ce que font les commissaires ?

« Je pense que oui, car le verbe “commissarier” est devenu étrangement courant de nos jours. Nous entendons parler de musiciens qui commissarient leurs albums, de menus dans les restaurants ou même de contenu commissarié dans les médias sociaux. Ces termes peuvent sembler prétentieux, mais ils évoquent aussi le sentiment que quelque chose d’unique a été consciencieusement mis en place par une personne ou une équipe possédant des connaissances ou une expertise spécialisée. Je pense que la plupart des gens associent les conservateurs aux musées ou aux galeries, et savent probablement qu’ils sont chargés de présenter les œuvres des artistes ou de prendre soin des objets historiques. Mais je trouve toujours surprenant que l’on ne semble pas réaliser à quel point ce travail peut être personnel, voire autobiographique, surtout pour les commissaires indépendants dont la pratique, même lorsqu’elle explore des questions sociales ou culturelles par exemple, est informée par leur expérience vécue. J’ai tendance à me tourner vers le travail de commissaires intelligents, critiques et politiquement engagés, qui s’investissent personnellement dans ce qu’ils font, mais qui abordent aussi des thèmes plus larges qui trouvent un écho chez beaucoup d’entre nous. »

— Amin Alsaden

« Looking the World in the Face », 16 juin 2022 – 3 janvier 2023. Vue de l’installation : Âjagemô, Conseil des Arts du Canada, Ottawa, ON. Photo : Amin Alsaden.

Quel est le plus grand défi en tant que commissaire indépendant ?

« Il est important de souligner que ce n’est pas exactement le travail le plus exigeant physiquement ou le plus dangereux. Mais je crois que la plupart des gens n’ont pas conscience du tribut que le commissariat nous impose, en particulier les commissaires racialisés et autochtones au Canada et dans le reste de l’Occident soi-disant progressiste. Je ne parle pas nécessairement du travail intellectuel et de l’engagement en termes de temps (il n’y a pas de frontière entre la vie et le travail dans la vie d’un commissaire indépendant), ni de la rémunération souvent faible ou nulle, mais de l’impact de ce travail sur notre bien-être. La plupart des institutions aiment parler de sujets tels que l’inclusion, la solidarité et la sensibilisation auprès des communautés, qui attirent en fait d’importants financements publics et privés, en particulier en cette période où l’on reconnaît les legs problématiques du colonialisme. Mais souvent, lorsque nous nous attelons à la tâche difficile de faire en sorte que ces choses se produisent, cela peut être un véritable combat. Nous subissons les foudres des préjugés inconscients de l’institution, et peut-être la discrimination et les abus trop conscients, dus à un manque de tolérance pour nos visions du monde et nos façons alternatives de faire les choses – qui, naturellement, remettent en question les systèmes existants et dominants ».

— Amin Alsaden

« Shifting Ground», 29 août – 28 octobre 2022. Vue de l’installation : Centre de ressources des arts numériques (CRAD), Ottawa, ON. Photo : Amin Alsaden.

Pourquoi est-il important pour les commissaires d’être courageux ?

« Je ne me fais pas d’illusions sur le fait que les commissaires accomplissent un travail héroïque ou qu’ils sont à l’origine de changements dans le monde. Mais lorsqu’ils travaillent en étroite collaboration avec des artistes avisés, et lorsqu’ils développent une confiance et un respect mutuels, en créant des expositions en tant que véritables partenaires, des résultats puissants peuvent émerger. Cela s’applique aussi bien aux artistes contemporains qu’aux collections des musées, et je ne saurais surestimer l’importance de cette symbiose ou intimité. Lorsque l’art et le commissaire se retrouvent sur des sujets qui touchent à des questions importantes – telles que la justice sociale, la dégradation de l’environnement, les affres du déplacement et les répercussions de la guerre – c’est alors que les artistes et les commissaires peuvent devenir des meneurs d’opinions. Non pas parce qu’ils parlent de ces questions avant les autres, mais parce qu’ils peuvent en parler d’une manière que les autres ne peuvent pas. Ils peuvent rassembler une communauté autour de préoccupations communes et utiliser les outils à leur disposition, notamment l’esthétique, pour confronter le public à des vérités douloureuses ou pour visualiser et spatialiser des connaissances vitales. Mais là encore, plutôt que de bravoure ou d’exceptionnalisme, je pense qu’il s’agit simplement d’une obligation aujourd’hui, d’un travail qui doit être fait si nous sommes attentifs aux réalités de ce monde malade ».

— Amin Alsaden

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